Mémorial KH50 : une œuvre dédié dédié aux familles originaires du Cambodge et en souvenir des victimes de Pol Pot
Devant le Mémorial KH50 encore couvert de tissu en velours rouge, une foule, debout, formée de trois cents visages, de tout âge, s’est formée autour de l’ambassadeur du Cambodge en France, David LUY, du maire de Lognes Nicolas DELAUNAY, des personnalités politiques et artistiques, ainsi que des figures de la diaspora cambodgienne en France.
Les stèles composant le Mémorial KH50 ont été dévoilées à Lognes (en Seine-et-Marne), jeudi 17 avril 2025, pour commémorer le cinquantenaire de la prise de Phnom-Penh et le début de l’une des plus tragiques périodes de l’histoire de l’humanité.
Érigé à l’initiative de l’association Fragmentis Vitae Asia, le Mémorial KH50 s’impose comme une œuvre de mémoire et de transmission. Il rappelle les deux millions de morts du Kampuchéa démocratique, ces vies brisées entre 1975 et 1979 par la folie génocidaire de Pol Pot. Il raconte aussi une autre histoire : celle des rescapés qui ont trouvé refuge en France, et en particulier, à Lognes, ville pionnière de l’accueil des exilés d’Asie du Sud-Est dans les années 1980. « L’oubli est une seconde mort. Nous refusons qu’ils meurent deux fois », déclare avec gravité Sun-Lay TAN, président de l’association. Le regard fixe, la voix vibrante, il évoque ses proches disparus, les absents à jamais inscrits dans le cœur des familles et rend aussi hommage aux survivants – ces femmes et ces hommes qui, après avoir tout perdu, ont tout reconstruit, “qui ont survécu au pire pour nous offrir le meilleur”.
Discours de Sun-Lay TAN
Fruit de la collaboration entre Alexia Chaing, la directrice artistique et les artistes Ramya Choun, Patrick Ngoum, le Mémorial KH50 a vu le jour grâce à la générosité de mécènes privés, à l’appui d’élus locaux et au travail infatigable des bénévoles. Son esthétique puise dans l’iconographie khmère : stèles sculptées, dorures délicates, et symboles à forte charge spirituelle – Hanuman, le lotus, la conque, le poisson Koï, le chatra, le Naga. Chacun évoque un pan de cette mémoire, mais aussi l’élan vital d’une communauté debout.
Le projet Fragments KH50 ne s’arrête pas là : jusqu’au 7 janvier 2029, témoignages filmés, documentaires, plateforme numérique et actions éducatives viendront nourrir cette dynamique mémorielle. Une manière aussi de faire entrer cette tragédie dans les programmes scolaires, dans les musées, dans les consciences. “Trois ans, huit mois et vingt et un jours, c’est le temps qu’il a fallu aux Khmers rouges pour détruire un pays », déclare Sun-Lay Tan. “Trois ans, huit mois et vingt et un jours, c’est aussi le temps que nous nous donnons pour parler, écouter, guérir et se réconcilier”.
Après les discours officiels et la découpe du ruban inaugural par l’Ambassadeur, le maire de Lognes et le président de Fragmentis Vitae Asia, le public est invité à découvrir les stèles, dévoilées une à une. La cérémonie prend alors une autre dimension : celle du rite.
Les hymnes nationaux — La Marseillaise par la jeune Saphira Boun, et Nokor Reach interprété avec ferveur par So Savoeurn, accompagnée par Touch Lydia — résonnent a capella, dans une intensité qui fait frissonner les anciens et mouille les yeux des plus jeunes.
Écoutez l’hymne cambodgien - Nokor Reach
Écoutez l’hymne français - La Marseillaise
Puis, fait exceptionnel, les représentants des principales pagodes bouddhistes de France unissent leurs prières dans une cérémonie commune, empreinte de solennité et d’harmonie. Le Père Vincent, prêtre catholique vient à son tour offrir une bénédiction chrétienne. Le silence se fait dense. Le Cambodge et la France, dans un même souffle.
L’association adresse ses remerciements aux vénérables présents :
• YOS HUT, CHEF DE PAGODE DE BAGNEUX
• TOUCH SARITH, CHEF DE PAGODE DE BORDEAUX, DE BAGNEUX ET DE GOURNAY
• SAMDECH PREAH PUTHEACHA TOUCH SOKVOHA, REPRESENTANT DE LA PAGODE DE CRÉTEIL
• NOEURN, CHEF DE PAGODE DE LA PAGODE DE COUILLY-PONT-AUX-DAMES
• TEN CHENDA, CHEF DE PAGODE CHANRAINGSEY DE TREMBLAY-EN-FRANCE
• CHHIENG MAY, DE LA PAGODE CHANRAINGSEY DE TREMBLAY-EN-FRANCE
Ainsi qu’au Père Vincent des Missions étrangères de Paris.
Fragments KH50 se veut aussi un pont entre les générations, entre la mémoire silencieuse des parents et la voix affirmée des enfants. En effet, derrière ce Mémorial, il y a un combat plus vaste, celui de faire vivre une mémoire diasporique, trop longtemps ignorée : “Nous nous engageons pleinement dans la Francophonie, car la langue est le vecteur vivant de la transmission de la mémoire. Et nous savons combien nos parents ont peiné à trouver les mots pour parler de leur souffrance enfouie trop longtemps dans le silence.”
À Lognes, ce 17 avril 2025, un pan de l’histoire cambodgienne s’est enraciné dans le sol français. Et dans le cœur de ceux qui, en ce jour, ont senti que les morts pouvaient enfin reposer. Et que les vivants, enfin, pouvaient parler.
Retrouvez le clip des temps forts de cette journée inaugurale
La presse en parle
Retrouvez ci-dessous quelques coupures de presse relatives à l’inauguration.
RFI : RFI
Actu.fr : Actu.fr
Le Parisien : Le Parisien
Cambodianess (en anglais) : Cambodianess
Instagram d’Emma Garboud-Lorenzi : Instagram